[Blog] Conférence sur l’humanisme 2021

Conférence sur l’humanisme donnée pour le LIONS CLUB en 20221

M. le gouverneur,
M. le gouverneur élu,
Mesdames et messieurs les officiels du district Ile de France Ouest,
Mesdames et Messieurs les présidents de Clubs,
Chers ami(e)s,

 

Lorsque mon ami Didier Rousseau m’a demandé de vous accueillir dans notre école d’ingénieurs et de vous faire une conférence sur l’humanisme, valeur qui m’est tellement chère, j’ai été très heureux.

En effet, votre Institution est certes humanitaire mais ô combien humaniste aussi.

Je commencerai mon intervention par quelques définitions de l’humanisme et je la terminerai en évoquant les quatre moments forts qui m’ont marqué dans l’histoire de cette philosophie.

L’humanisme est une philosophie qui place l’Homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs.

Être humaniste c’est considérer l’humanité comme la valeur suprême.

Henri Gouhier écrit que l’humanisme a pour devise « ad majorem hominis gloriam » en faisant référence à celle des jésuites « ad majorem Dei gloriam » , pour la plus grande gloire de Dieu.

Devise que je fais mienne tout en précisant que mettre l’Homme au centre du monde n’exclut en aucun cas Dieu.

Même si le terme est né au XVIIIe siècle, les origines de l’humanisme vont bien plus loin. L’idée humaniste commence avec Protagoras qui a écrit : « l’Homme est la mesure de toute chose » au Ve siècle avant JC.  Ce célèbre sophiste et ennemi juré de Socrate donne, dans son récit mythique, une explication de la création du monde :

Zeus vient de gagner la guerre contre les titans. Il a partagé le monde, la paix est installée, l’ordre cosmique est en place. Dans ce monde parfait, les immortels s’ennuient et pour s’occuper, ils décident de créer les mortels : les animaux et les hommes.

À partir de terre et de feu, ils fabriquent des petites figurines qui sont les archétypes des espèces animales. Ravis de la distraction que pourraient leur procurer les mortels, ils demandent aux jumeaux Epiméthée et Prométhée d’achever la création. Je vous rappelle que Prométhée est celui qui réfléchit avant d’agir alors qu’Epiméthée est celui qui réfléchit après avoir agi.

Epiméthée demande à son frère de lui laisser donner vie aux animaux en concordance avec les modèles inventés par les dieux. Prométhée, bien qu’inquiet, accepte la proposition de son frère. Epiméthée commence à fabriquer les animaux et finalement, comme le souligne Protagoras selon le dialogue de Platon, parvient à constituer un ordre, un cosmos tout à fait bien fait. Dans sa répartition, il dotait les uns de force sans vitesse et donnait la vitesse aux plus faibles : il armait les uns et, pour ceux qu’il dotait d’une nature sans armes, il leur ménageait une autre capacité de survie. À ceux qu’il revêtait de petitesse, il donnait des ailes pour qu’ils puissent s’enfuir ou bien un repaire souterrain ; ceux dont il augmentait la taille voyaient par là même leur sauvegarde assurée : et dans sa répartition, il compensait les autres capacités de la même façon. Il opérait de la sorte pour éviter qu’aucune espèce ne soit anéantie. Chacune est ainsi suffisamment protégée pour que le système tienne la route.

Malheureusement à la fin Epiméthée s’aperçoit qu’il a distribué tous les dons aux animaux et qu’il n’a rien gardé en réserve pour les humains. Lorsque que Prométhée vient voir son frère pour examiner son travail, il s’aperçoit qu’il a très bien constitué l’écosystème des bêtes mais qu’il a tout simplement oublié l’homme qui n’a donc aucune nature existentielle. Il naît nu, sans fourrure, il est obligé d’inventer les habits pour ne pas mourir de froid et toute autre chose pour pallier le manque de griffes, de force, d’ailes, de vitesse de course. Et le plus important c’est qu’il a besoin de ses parents pour pouvoir vivre.

Au XVe siècle, Pic de la Mirandole, dans son récit à la gloire de l’homme, met dans la bouche de Dieu les phrases suivantes : « Si nous ne t’avons donné, Adam, ni une place déterminée, ni un aspect qui te soit propre, ni aucun don particulier, c’est afin que la place, l’aspect, les dons que toi-même aurais souhaités, tu les aies et les possèdes selon ton vœu, à ton idée. Pour les autres, leur nature définie est tenue en bride par des lois que nous avons prescrites : toi, aucune restriction ne te bride, c’est ton propre jugement, auquel je t’ai confié qui te permettra de définir ta nature. Si nous ne t’avons fait ni céleste, ni terrestre, c’est afin que, doté pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures, qui sont bestiales ; tu pourras par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures qui sont divines. »

La philosophie humaniste prend tout son essor avec le siècle des Lumières, notamment avec Rousseau qui écrit dans son discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes : « la bête ne peut s’écarter de la règle qui lui est prescrite même quand il serait avantageux de le faire alors que l’homme s’en écarte souvent à son préjudice » et qu’il rajoute cette phrase admirable : « Chez l’Homme la volonté parle encore lorsque la nature se tait. » C’est là la liberté humaine qui aboutira en 1789 à la déclaration française des droits de l’homme où il est dit que l’homme mérite d’être respecté et protégé quels que soient sa nationalité, sa langue, sa religion, sa race ou son sexe.

Enfin, comment ne pas citer Jean-Paul Sartre lorsqu’on parle d’humanisme qui, dans sa conférence intitulée « L’existentialisme est un humanisme » déclare que l’existence définit l’essence des objets et des animaux alors que l’existence précède l’essence pour l’Homme car il naît sans but, ni valeurs prédéfinies, il se définit par ses actes et construit son essence.

Mais si l’homme est libre, s’il n’est pas, à la différence de l’animal, prisonnier d’une nature, s’il n’y a pas de nature humaine, le racisme n’a philosophiquement plus de fondements.

Vous comprendrez que cet antiracisme qui découle de la philosophie humaniste me l’a fait tellement chérir.

Nesim Fintz Le 20 janvier 2022